Début décembre 2020, Paris 2024 a confirmé son ambition de devenir les premiers Jeux Olympiques à afficher une stricte parité dans le nombre d’athlètes hommes et femmes. La portée symbolique est forte, alors qu’en 1900, c’était déjà à Paris que des athlètes féminines participaient pour la première fois de l’histoire à des JO. Depuis, un long chemin a été parcouru, et reste encore à parcourir, pour développer et renforcer la place des femmes dans le sport.
Depuis 2016, FDJ s’engage en faveur du développement du sport au féminin avec son programme « Sport pour Elles » et ses 4 axes clés : favoriser la pratique pour toutes, soutenir les sportives de haut niveau, mobiliser les réseaux pour encourager la mixité et médiatiser le sport. Dans ce cadre, FDJ est impliquée dans de multiples actions et partenariats : partenaire majeur depuis 2017 de l’équipe cycliste féminine FDJ Nouvelle-Aquitaine Futuroscope, elle parraine aussi deux épreuves mondiales de cyclisme « La Course by Le Tour » et le 1er Paris-Roubaix Femmes qui aura lieu le 11 avril 2021. FDJ a également initié un appel à projets annuel « Performance pour Elles » à destination des fédérations sportives pour soutenir leurs projets autour de la haute performance féminine. Pour encourager la mixité dans la gouvernance des instances sportives, FDJ avec l’association FEMIX’SPORTS, a co-développé un programme d’accompagnement des hauts potentiels féminins.
Sarah Ourahmoune, vice-championne olympique aux Jeux Olympiques de Rio 2016, est ambassadrice du programme « Sport pour Elles » depuis 2017. Également vice-présidente du CNOSF chargée des mixités et figure de proue de l’engagement pour le sport féminin, elle échange aujourd’hui avec nos athlètes sur ce sujet.
© Sarah Ourahmoune P. Millereau/KMSP
Sarah Ourahmoune : J’ai débuté la boxe en 1996. A cette époque, les compétitions n’étaient pas autorisées pour les femmes. En France, elles ne l’ont été qu’à partir de 1999. Si on pouvait évidemment s’entraîner avant, cela restait difficile : les entraîneurs ne voulaient pas toujours entraîner des filles, nous n’avions pas de vestiaires, le regard des autres était aussi négatif. Il n’existait pas d’équipements adaptés. En 2012, les catégories femmes sont apparues aux JO de Londres, et le regard a commencé à changer. Ça a permis une reconnaissance internationale et celle de nos pairs. Puis la boxe est devenue à la mode : des politiques, des mannequins, des stars ont commencé à boxer, à parler du rôle mental que le sport jouait, en les aidant à être plus dynamique, à gagner en confiance. A partir de ce moment-là, il y a eu une vraie démocratisation, surtout dans la pratique loisir. Malheureusement, en compétition, c’est toujours un peu plus difficile. La compétition a mauvaise presse et manque, je pense, de communication. C’est un sport encore peu reconnu, et il est difficile d’attirer des sponsors.
Caroline, nous pratiquons le même sport : quelles avancées sur la place des athlètes féminines dans la boxe as-tu pu constater entre le début de ma carrière et ta carrière aujourd’hui ?
Caroline Cruveillier : De mon côté, je n’ai pas vécu ce dont tu parles. J’ai commencé la boxe en 2012, dans un club où il y avait déjà des filles. J’ai toujours eu un vestiaire, des équipements adaptés. Et je peux même dire que j’ai rapidement été soutenue par les boxeurs du club, qui m’ont encouragée et intégrée. J’étais un peu la chouchoute ! Au début je ne souhaitais pas faire de compétition mais ce sont eux qui m’y ont poussé, ainsi que mon entraineur. Puis quand toi, puis Estelle (Mossely), avez ramené des médailles des Jeux, j’ai commencé à vraiment y croire. Ton parcours m’a confortée dans l’idée que oui, une femme pouvait avoir un parcours de haut niveau dans la boxe. Je pense qu’avec la médiatisation liée aux Jeux, les femmes osent désormais essayer notre sport. Il y a aussi eu du travail autour de la boxe santé ou la boxe en entreprise. Tout cela participe à rendre notre sport plus visible et à le démocratiser. Evidemment, des inégalités persistent mais je pense que par la communication, le dialogue, en particulier avec notre fédération, on peut continuer à faire avancer les choses.
Sarah Ourahmoune : Ysaora, tu pratiques le fleuret. Quel impact la médiatisation a-t-elle sur le sport féminin selon toi ? Comment faire pour assurer une plus grande place pour les sportives dans les médias ?
Ysaora Thibus : La médiatisation a un rôle de catalyseur pour le sport féminin. Aujourd’hui, on ne se pose plus la question de savoir si les jeunes filles, les femmes peuvent faire du sport en France, car le sport féminin existe dans la sphère médiatique. Donner de la visibilité à une athlète valorise sa performance et permet d’inspirer les générations futures. J’aimerais voir plus de diffusion de rencontres féminines car ce sont ces moments de partage avec le public qui attirent les sponsors. Et je crois en un cercle vertueux : plus de médiatisation, plus d’investissements, et donc plus de performance féminine. Aussi, chacun à son échelle peut encourager et relayer les performances de ses athlètes féminines préférées. Tous ensemble misons sur le sport féminin !
Sarah Ourahmoune : Et toi Magda, comment mieux soutenir le sport féminin selon toi ? Comment optimiser l’accompagnement des sportives de haut-niveau ?
Magda Wiet-Hénin : Difficile pour moi de répondre à cette question puisque dans mon sport, le taekwondo, je ne ressens aucune différence homme/femme. L’entraîneur principal nous traite d’égal à égal et les entraînements sont mixtes et réalisés en alternance par un coach féminin et un coach masculin. Mais je pense que pour mieux soutenir le sport féminin, des actions éducatives menées auprès des formateurs et des entraineurs doivent être mises en place. Les principes de l'égalité et de la mixité entre les femmes et les hommes s’intègrent en premier lieu dans l’exercice de leur métier. »
Sarah Ourahmoune : Mathilde, toi tu pratiques le cyclisme sur piste, un sport souvent perçu comme masculin. Quelle vision avais-tu par exemple du cyclisme avant d’en commencer la pratique et cette vision a-t-elle évolué ?
Mathilde Gros : Lorsque j’ai débuté, c’est vrai qu’il n’y avait pas beaucoup de femmes dans le cyclisme et il y avait un peu de peur vis-à-vis de cette discipline. Mais je me suis rapidement rendu compte qu’il y avait de la place pour tout le monde, j’ai pris mes marques et ça s’est très bien passé. Je remarque qu’il y a depuis 2-3 ans une évolution et de plus en plus de femmes s’initient à la discipline. Le rôle de la fédération est également très important avec l’organisation de journées qui permettent à des femmes de s’essayer au cyclisme sur piste. La notoriété dont certaines cyclistes bénéficient doit aussi permettre de montrer que c’est possible de réussir dans ce milieu et motiver de nouvelles pratiquantes.
De gauche à droite : Sarah Ourahmoune, Chloé Trespeuch, Ysaora Thibus, Romane Dicko et Johanne Defay © P. Millereau/KMSP
Sarah Ourahmoune : L’athlétisme regroupe de nombreuses disciplines. Au sein de la famille des lancers, les lanceuses ont d’ailleurs remporté de belles médailles. Comment attirer plus de jeunes filles et de femmes vers les disciplines de lancer selon toi Alexandra ?
Alexandra Tavernier : Le rôle de la fédération d’athlétisme est important pour attirer de nouvelles pratiquantes. Elle met actuellement en place des opérations dédiées aux jeunes filles et aux femmes mais pour le moment rien de spécifique pour les disciplines de lancer. Notre rôle, en tant qu'athlète des disciplines de lancer via nos performances et la médiatisation qui en est faite, est également de montrer que toutes les athlètes ne sont pas longues et fines et que les corps permettant de performer sont différents les uns des autres et ne répondent pas à un critère unique. Aujourd’hui dans les lancers féminins deux athlètes performent au niveau international : Mélina Robert Michon et moi-même. Mélina incarne ce visage de la femme forte, à la fois mère de famille et athlète de haut niveau, ce qui prouve que les femmes peuvent mener une vie de famille tout en étant compétitive, ce qui est inspirant.
Sarah Ourahmoune : Victor, tu pratiques le seul sport olympique entièrement mixte, l’équitation, dans lequel les athlètes hommes et femmes s’affrontent lors de la même compétition. Comment l’équitation peut-elle inspirer d’autres disciplines ?
Victor Levecque : L’équitation est un sport où la cavalière, le cavalier, fait corps avec son cheval. Il n’y a pas de « critères physiques » pour pratiquer ce sport. Comme dans d’autres disciplines, le travail, la rigueur, la concentration, la motivation... sont de mise. L’équitation propose justement l’avantage de ne pas être destinée à une seule catégorie de personnes. C’est rare et c’est ce qui fait la beauté de ce sport. Ce qui est important pour moi c’est que l’équitation permette cette mixité !
Sarah Ourahmoune : Marie, en parallèle de ta carrière en ski alpin handisport, tu es membre de la Commission des athlètes de l’IPC (International Paralympic Comitee) et de celle de Paris 2024, instances de représentation mais aussi de dialogue entre pairs. Ce genre d’expérience peut constituer un tremplin vers des fonctions dirigeantes. Comment accompagner et soutenir les femmes et particulièrement les (anciennes) sportives de haut niveau dans leur projet d’occuper un jour une fonction dirigeante au sein d’une structure/institution sportive ?
Marie Bochet : Le fait de pouvoir s’appuyer sur des modèles est important dans la perception de ce type de poste. La présence de femmes dans les instances dirigeantes paralympiques et handisport montre que rien n’est impossible et que ces postes ne sont pas réservés aux hommes. Marie-Amélie Le Fur, qui est à la fois athlète et présidente du CPSF fait partie de ces modèles. On est également dans un contexte sociétal plus ouvert, avec une prise de conscience du fait que les instances sont essentiellement dirigées par des hommes. La véritable victoire serait que l’on ne se fasse plus la remarque quand une femme arrive à la tête d’une instance dirigeante !